Article juridique – Droit pénalPar Me Philippe FROGER
L’auteur de propos injurieux est condamné en première instance, décision confirmée en appel pour avoir dit à son voisin, dans la cour de leur immeuble : « sale bougnoule, vous êtes juste tolérés ici. »
La décision de la Cour d’appel a fait l’objet d’un pourvoi dont l’objet principal portait sur la question du caractère public de tels propos tenus dans la cour d’une copropriété.
En effet, pour que soit retenu le délit d’injure au sens de la loi du 29 juillet 1881, la condition de publicité de celle-ci doit être satisfaite.
Dans sa première branche le moyen soulevé dans le cadre du pourvoi, le prévenu invoquait le fait que la cour d’un immeuble est une partie commune d’une copropriété et constitue donc un espace privé.
Il précisait que si la cour était effectivement ouverte au public, la Cour d’appel n’avait pas répondu aux conclusions de l’appelant sur le point de savoir si l’accès donnait sur le domaine public.
Cette branche n’appelle pas davantage de développement dans la mesure où le caractère public d’un espace ne dépend naturellement pas de sa connexion avec le domaine public tel qu’apprécié au sens du droit administratif. En toutes hypothèses, le fait que la Cour d’appel ait considéré la cour comme un espace public est la manifestation de son pouvoir souverain d’appréciation. Dans cette mesure, elle a nécessairement répondu aux conclusions de l’appelant sur ce point.
Dans sa deuxième branche plus intéressante, le moyen reprochait à la Cour d’appel de ne pas avoir relevé qu’aucun témoignage des propos litigieux n’émanait de tiers à la copropriété.
Il ressort en effet des faits de l’espèce, que seuls le destinataire et son épouse avaient entendu lesdits propos. De plus, ceux-ci n’étaient susceptibles d’être entendus que par les copropriétaires.
La Cour d’appel avait retenu que la cour comportait un accès au public mais que de surcroît, elle donnait sur seize appartements.
La Cour de cassation a approuvé la décision des juges du fond dans la mesure où la tenue de tels propos dans le contexte susexposé traduisait la volonté de son auteur de les rendre publics.
Où la Cour suprême relève, à raison, qu’il n’est pas nécessaire d’établir le caractère public des propos mais bien de se focaliser sur la volonté de son auteur de les rendre publics.
Dès lors, la tenue de ceux-ci dans une cour comportant un accès au public et donnant sur seize appartements ne peut qu’exprimer cette volonté.
L’appréciation de la publicité est, en l’espèce, conforme à celle définie par la jurisprudence. Ainsi, il convient de préciser que celle-ci est retenue non en fonction de la nature de l’espace visé, mais surtout, compte-tenu de la possibilité d’accès au public ou non desdits propos.
Cette décision n’est pas sans évoquer la définition retenue sur le web. A ce sujet, il semble opportun d’évoquer l’arrêt de la Cour de cassation du 10 avril 2013 dans lequel la Cour de cassation a approuvé une Cour d’appel d’avoir exclu l’existence d’injures publiques sur des comptes Facebook et MSN dans la mesure où l’accès auxdits comptes était limité à un cercle restreint de proches acceptés par l’auteur constituant une communauté d’intérêts.